Les mathématiques,
l’autre nerf de la guerre.
La « démathématisation« de la France est en marche
publié le 2 décembre
La « démathématisation » de la France concerne autant l’enseignement supérieur que le primaire et le secondaire. Or, cette discipline contribue puissamment à notre prospérité économique, révèle une étude parue à la veille des Assises des mathématiques.
Les mathématiques sont partout : à la base des équations de la relativité générale décrivant l’infiniment grand du cosmos ; dans les complexes calculs de « renormalisation » permettant d’appréhender par l’esprit l’infiniment petit des particules élémentaires ; et, à mi-distance de ces deux infinis, au coeur de cet « infiniment complexe » qu’est le vivant. Il n’est pas jusqu’à un phénomène aussi proprement humain (et aussi apparemment irrationnel !) que le mouvement de panique ayant causé la mort de plus de 150 personnes à Séoul dans la soirée du 29 octobre qui ne puisse être décrit par les mathématiques, comme le prouvent, entre autres, les travaux de modélisation des foules du mathématicien français Bertrand Maury. L’immense Galilée n’en aurait pas été autrement surpris, lui qui affirmait dès 1623, dans son essai « L’Essayeur », que « le livre de l’univers est écrit en langue mathématique ».
Omniprésentes dans la nature, les mathématiques ont aussi, quoique depuis moins longtemps, profondément infiltré nos économies, nos marchés et nos modes de vie, en utilisant l’informatique comme principal cheval de Troie. C’est ce que rappelle l’ étude de l’impact économique des mathématiques en France réalisée pour le compte de l’Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions (Insmi, l’un des dix instituts du CNRS) à la veille des Assises des mathématiques, qui se sont tenues à Paris du 14 au 16 novembre.
18 % : près d’un cinquième de la valeur ajoutée produite en France en 2019 provenait des maths. Entre autres chiffres clés, l’étude révèle que les mathématiques concernaient en 2019, dans notre pays, quelque 3,3 millions d’emplois salariés, soit 13 % du total. L’impact est encore plus fort sur le PIB : 18 % des près de 2.170 milliards d’euros de valeur ajoutée produite cette année-là par la France provenaient des maths. Et, qu’il s’agisse des emplois ou du PIB, la contribution de cette discipline s’est sensiblement accrue depuis la précédente étude d’impact, qui portait sur des chiffres de 2012. Longtemps restée relativement éthérée, la science de Thalès et d’Euclide pèse, aujourd’hui, des milliards.
L’innumérisme et les délocalisations.
Rien d’étonnant à cela. Secrétaire général pour l’investissement chargé du plan France 2030, Bruno Bonnell, s’exprimant aux Assises, n’a pas manqué de rappeler que « l’innovation se loge dans les mathématiques ». Les nombreux industriels présents (Saint-Gobain, Michelin…) n’ont pu qu’opiner. Tout comme l’économiste Thomas Renault, l’un des coauteurs d’une étude du Conseil d’analyse économique publiée en septembre dernier et montrant l’existence d’une stricte relation de causalité entre le niveau de compétences en mathématiques d’un pays (sa « numératie », comme l’appellent les auteurs) et sa productivité. L’« innumérisme » – équivalent de l’illettrisme en maths – mène tout droit aux délocalisations et aux fermetures d’usines.
Mathématiques : « une génération qui ne sait plus compter »
La France décroche.
Et pourtant, malgré les 14 médailles Fields (depuis Laurent Schwartz, en 1950, jusqu’au charismatique Hugo Duminil-Copin, cette année) qui la mettent au coude-à-coude avec les Etats-Unis et dont elle s’enorgueillit légitimement, la France décroche. La nation d’Evariste Galois et d’Henri Poincaré s’enfonce dans l’océan de l’intelligence artificielle et de la deuxième révolution quantique toutes voiles ferlées, ou presque.
S’agissant de l’enseignement primaire et secondaire, où l’on voit la France devenue lanterne rouge de l’enquête Trends in International Mathematics and Science Study (Timss), qui mesure les performances de nos chères têtes blondes, brunes ou rousses en CM1 et en quatrième, le constat est bien connu ; et l’on peut espérer que la récente décision du ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye – annoncée la veille des Assises dans « Les Echos » -, de réintroduire un enseignement des mathématiques obligatoire à la rentrée 2023 pour tous les lycéens de la filière générale colmatera l’une des brèches du navire.
L’instauration d’une formation complémentaire en mathématiques pour les professeurs des écoles, qui était l’une des recommandations du rapport Villani-Torossian de février 2018, devrait aussi finir par porter ses fruits, en exhaussant si peu que ce soit le niveau en maths d’instituteurs bien souvent mal à l’aise avec cette matière.
Mais, pour être moins médiatisée, la situation n’en est pas moins tout aussi préoccupante à l’échelon du dessus, c’est-à-dire dans l’enseignement supérieur et la recherche. « L’étude d’impact met en lumière quelques chiffres extrêmement inquiétants, explique le directeur de l’Insmi, Christophe Besse. Alors que, entre 2000 et 2020, le nombre d’enseignants-chercheurs, toutes disciplines confondues, a progressé de 7 %, en mathématiques il a baissé de 8 %, cette décrue atteignant même 20 % si l’on ne considère que les mathématiques fondamentales. » Un constat alarmant, en effet, quand on sait que les enseignants-chercheurs (maîtres de conférences ou professeurs des universités) représentent l’écrasante majorité (87 %) de la recherche publique, loin devant les autres employeurs potentiels que sont le CNRS, le CEA, l’Inrae, l’Inria, etc.
Autre signal d’alerte : en mathématiques, le nombre de postes ouverts au concours de professeur des universités a été divisé par deux et demi en dix ans ; pour les seules mathématiques fondamentales, c’est par quatre et demi. Dans ses conditions, il ne faut pas s’étonner que la part des publications françaises parmi les publications mondiales se soit plus qu’érodée, tombant de 7,9 % en 2000 à 4,3 % en 2019. La France aurait-elle oublié qu’il y a, en science, non pas un mais deux « nerfs de la guerre » : l’argent… et les maths ?
La recherche pure et désintéressée n’a pas bonne presse en ces temps de financement de la recherche « sur projets », où la promesse d’applications bien concrètes est bien plus valorisée que le vagabondage intellectuel.
Cette discipline constitue sans doute l’archétype de ce que les Anglo-Saxons dénomment si joliment la « blue sky research » – la recherche pure et désintéressée, version scientifique de « l’art pour l’art ». Un désintéressement qui n’a pas bonne presse en ces temps de financement de la recherche « sur projets », où la promesse d’applications bien concrètes est bien plus valorisée que le vagabondage intellectuel.
L’immense Pierre de Fermat – magistrat de carrière et mathématicien « amateur » (si l’on peut dire !) – ne s’y serait sans doute pas retrouvé, lui qui, le 18 octobre 1640, notait dans la marge d’une lettre à un autre amateur quelques mots cabalistiques résumant ce que l’on appelle aujourd’hui le « petit théorème de Fermat ». Qu’aurait pensé notre bon magistrat du royaume de Louis XIII si on lui avait dit que, près de quatre siècles plus tard, son petit théorème serait la clé de voûte de la cryptographie, le garant de la sécurité de tous les échanges numériques ?
Et les mathématiciens allemands Oskar Perron et Georg Frobenius, ces doux rêveurs, pouvaient-ils se douter, quand ils s’échinaient à démontrer, à la veille de la Première Guerre mondiale, le théorème sur les matrices à coefficients positifs qui porte aujourd’hui leurs deux noms, que celui-ci donnerait naissance à l’aube du XXIe siècle à l’algorithme PageRank faisant tourner le moteur de recherche de Google ?
Les étudiants reviennent : il serait dommage que les profs manquent !
La cure d’amaigrissement que s’est imposée l’université en mathématiques avait pour origine le désamour croissant des étudiants pour cette discipline, jugée trop sélective – pour ne pas dire discriminatoire. Il est vrai qu’en en faisant le principal critère de tri des élèves, la vieille organisation de l’enseignement secondaire en filières S, ES et L (à laquelle a mis fin la réforme Blanquer) ne lui a pas rendu service.
«Les mathématiques ont été inventées, avant même l’écriture, pour être un outil au service de l’humanité, qu’il s’agisse de compter les têtes de bétail ou la surface des champs, pas pour faire le tri entre bons et mauvais élèves», rappelle le directeur de l’Insmi, Christophe Besse. Mais ce désamour des étudiants pour les maths a cessé au début des années 2010. L’enquête de l’Insmi révèle que dans les filières LMD à dominante mathématique, le nombre d’étudiants progresse de 6 % par an (deux fois plus vite qu’ailleurs !) depuis 2012 pour atteindre 40.000 en 2020.
Il y a à ce regain de faveur une solide raison : en ces temps économiquement troublés, les jeunes (et leurs parents !) ne peuvent qu’être sensibles au fait que les matheux trouvent vite et bien à se caser sur le marché du travail. En 2018, 95 % des diplômés d’écoles d’ingénieurs ont décroché un emploi un an après l’obtention de leur diplôme. Le pourcentage est à peu près le même pour les titulaires de masters ou de doctorats en mathématiques, même si c’est au prix d’un temps de recherche plus long.
Où sont les femmes ?
Avec seulement 25 % de femmes parmi les enseignants-chercheurs, les mathématiques arrivent bonnes dernières des disciplines scientifiques en matière de parité, a pointé le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. «L’avenir de l’excellence française en mathématiques se trouve largement du côté des filles», a déclaré le ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye, qui dit avoir comme objectif la parité filles-garçons.
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