Consultons Daniel Bloch :
Quelle réforme pour la voie pro ?
Quelle réforme pour la voie professionnelle ?
Au lendemain d’une grande manifestation des enseignants des lycées professionnels contre une réforme rétrograde, consultons Daniel Bloch. Père du bac professionnel, ancien recteur, ancien président des différents conseils école – entreprises, Daniel Bloch publie un livre qui retrace « Une histoire engagée de l’enseignement professionnel » (PUG) de Chevènement à Pap Ndiaye. Il revient sur la naissance du bac professionnel. Il analyse son évolution. Et jette un regard sévère sur la façon dont E Macron lance une nouvelle réforme. Il élève le débat et pose les bases, comme en 1985, d’une réforme véritable de l’enseignement professionnel au regard des besoins du pays.
Quand on lit les motifs de la réforme de 1985 on a l’impression de lire ceux de toutes les réformes suivantes y compris celle d’E Macron. Qu’est-ce que ça vous inspire ? De 1985 à 1992 on n’a pas été que dans le discours. On a fait du concret avec Chevènement puis Monory et Jospin qui ont bien compris les choses. Ensuite ça s’est dilué. Le nombre de bacheliers et de BTS a augmenté jusqu’en 2000 puis il s’est arrêté. Aujourd’hui on dit qu’on va remplacer les heures de cours en lycée professionnel par des heures en milieu professionnel. Le discours de Chevènement serait bien différent. Il dirait : « on a pas 6 milliards mais 60 milliards de déficit commercial, que fait-on ? Que fait-on aussi des difficultés des banlieues ? L’aspect social et économique étaient beaucoup plus mis en avant. Mais aujourd’hui il n’y a plus de conseil national économie éducation. Le quinquennat Blanquer n’a pas été une période d’avancée pour l’enseignement professionnel, bien au contraire.
Le bac pro a connu deux réformes récentes, celle de Darcos et de Blanquer. Que regard jetez-vous sur chacune ? La réforme Darcos a surtout été celle d’Éric Woerth, ministre du Budget. C’est le passage du bac pro de 4 à 3 ans décidé pour réduire le nombre d’enseignants. Personne ne demandait cette réforme ni les enseignants, ni les entreprises. L’expérimentation qui avait été faite montrait que ce n’était positif que pour un petit nombre de bacs professionnels. Blanquer a fait une réforme cosmétique avec des choses qui coutent cher comme la co-intervention. La modification de la seconde, avec les familles de métier, s’est faite au détriment de la professionnalisation. Elle était un peu obligatoire car les élèves arrivent deux années plus jeunes avec un niveau encore plus faible. Le système s’est détérioré avec la baisse de niveau et la déprofessionnalisation. L’objectif aujourd’hui devrait être de voir comment faire une marche en avant et non une marche arrière.
E. Macron lance une nouvelle réforme avec le doublement du temps des stages et l’adaptation de l’offre de formations aux besoins locaux des entreprises. Qu’en pensez-vous ? Actuellement il y a une grande distance entre les syndicats de la voie professionnelle et le projet de la ministre. Cela a été mal introduit. Si on supprime ces heures de cours en lycée pour les remplacer par des heures en entreprise on supprime 8 à 10 000 emplois (sur 66 000 professeurs de lycée professionnel NDLR). De plus les syndicats ont l’impression que tout est fait à l’avance y compris dans les groupes de travail. On ne voit pas de place pour une vraie discussion. A mon avis il faudrait modifier fondamentalement l’approche de la réforme de l’enseignement professionnel, telle qu’elle a été engagée.
J’ai suggéré que soit dressé rapidement, dans un premier temps, un état des lieux si possible partagé, coiffé d’un simple chapeau définissant les objectifs : la montée en gamme des compétences de la population pour contribuer à la compétitivité et à la réindustrialisation du pays, en y ajoutant la nécessité d’inclure un volet culturel et social. Une réforme sur le fond des enseignements professionnels apparait bien à tous comme une nécessité, après tant d’années de réformes essentiellement cosmétiques. Il s’agirait, dans un deuxième temps de définir, toujours en concertation, quatre ou cinq chantiers prioritaires à engager avec l’appui de groupes de travail susceptibles d’émettre des propositions pouvant être prises en compte, si possible, en temps réel. Le temps presse…
En résumé j’ai proposé d’entamer au cours des quelques semaines qui viennent une vraie concertation et non un simulacre de concertation, avec des conclusions de fait écrites à l’avance. Il ne s’agit pas pour moi de rejeter à priori l’allongement des périodes de formation en milieu professionnel. Tout au contraire, les ayant introduites dans les CAP et au sein du baccalauréat professionnel. Mais de justifier d’autant plus facilement leur allongement qu’il s’accompagnerait aussi d’une formation générale approfondie, ce qui nécessite aussi un temps plus long…
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