Le devoir de vigilance des entreprises
devrait aussi être appliqué aux Etats
Cette loi est fortement contestée par le patronat
Remettre le respect des droits humains au cœur des préoccupations des multinationales.
Le devoir de vigilance est une obligation faite aux entreprises donneuses d’ordre de prévenir les risques sociaux, environnementaux et de gouvernance liés à leurs opérations mais qui peut aussi s’étendre aux activités de leurs filiales et de leurs partenaires commerciaux (sous-traitants et fournisseurs).
En France, ce devoir s’incarne dans la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Celle-ci a été adoptée le 21 février 2017 par les députés et validée par le Conseil constitutionnel le 23 mars qui a toutefois censuré les amendes civiles prévues initialement par les députés
La loi sur le devoir de vigilance a pour objectif de remettre le respect des droits humains au cœur des préoccupations des multinationales. Elle concerne les grandes entreprises : les sociétés françaises qui emploient au moins 5 000 salariés en France et celles de plus de 10 000 salariés dans l’Hexagone ayant leur siège social ailleurs dans le monde. Celles-ci doivent établir et publier un plan de vigilance pour prévenir les risques en matière d’environnement, de droits humains mais aussi de corruption sur leurs propres activités mais aussi celles de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs, en France comme à l’étranger.
En cas d’accident les victimes, associations et syndicats, pourront saisir le juge pour faire respecter cette nouvelle obligation. Le juge pourra enjoindre sous astreinte l’entreprise à publier et mettre en œuvre de manière effective un plan de vigilance. Ce texte a été élaboré en réponse à différents scandales comme la catastrophe d’avril 2013 au Bangladesh où un immeuble – le Rana Plaza – s’est effondré, entrainant la mort de plus de 1 000 salariés ou encore l’affaire du travail forcé sur les chantiers de la Coupe du monde au Qatar. Ces évènements ont provoqué une prise de conscience de l’Europe sur les conditions de travail des sous-traitants des grands groupes industriels européens.
Si cette loi a été bien accueillie par l’opinion publique, elle reste fortement contestée par le patronat qui craint une baisse de compétitivité pour les entreprises. D’autres pays, notamment en Europe, examinent aujourd’hui la possibilité d’adopter des mesures inspirées de la loi française. Le principe du devoir de vigilance est également inscrit dans les grands textes internationaux de référence destinés aux multinationales.
Le devoir de vigilance devrait aussi être appliqué aux Etats
Accusé de contribuer à la déforestation en Amazonie, Carrefour cesse certains approvisionnements.
Mighty Earth a publié un rapport à charge contre Carrefour. L’association pointe des approvisionnements en viande et soja qui contribuent à la déforestation en Amazonie. Pourtant, en vertu du devoir de vigilance, le géant de la distribution aurait dû identifier ces failles. Après ces révélations, Carrefour annonce suspendre des approvisionnements et prendre des mesures pour renforcer sa stratégie. En effet, alors que des zones détruites de la forêt Amazonienne pourraient ne plus jamais se régénérer, une ONG lance l’alerte sur les pratiques peu scrupuleuses de certains fournisseurs du géant Carrefour. Mighty Earth a passé au crible des produits commercialisés par le distributeur français. Ce travail minutieux de l’association de défense de l’environnement est consigné dans son étude « Carrefour nous enfume » qui établit un lien direct entre de la viande de bœuf ou du soja vendus dans les magasins Carrefour et des pratiques illégales de déforestation en Amazonie.
La Commission européenne a proposé de nouvelles règles visant à interdire l’importation de produits issus de la déforestation, comme le cacao, l’huile de palme ou le café. Les entreprises concernées devront mettre en place un système de traçabilité. Si le texte est salué par les ONG, celles-ci déplorent cependant des lacunes. En effet, dans le cadre de son Pacte Vert, la Commission européenne a proposé le 17 novembre 2021 une nouvelle réglementation visant à interdire l’importation au sein de l’Union européenne (UE) de produits dont l’exploitation provoque la destruction des forêts. Six produits sont visées par le texte : le café, le cacao, le bois, l’huile de palme, le soja et le bœuf. Dans les faits, une fois le texte adopté, les entreprises concernées devront apporter la garantie que les produits mis en vente sur le marché européen ne sont pas issus d’une parcelle déboisée après le 31 décembre 2020. Elles seront dans l’obligation de mettre en place un système de géolocalisation et de traçabilité de leurs produits jusqu’à la parcelle. L’Union européenne pourraient sanctionner les entreprises qui ne respecteraient pas ces exigences. Parallèlement, la Commission souhaite construire un classement des pays exportateurs en fonction des risques de déforestation.
Un défi ambitieux. Entre 1990 et 2020, le monde a perdu 420 millions d’hectares de forêts, une superficie plus vaste que celle de l’Union européenne et l’UE reste en 2021 le deuxième plus grand importateur de matières premières liées à la déforestation, estime le Fonds Mondial pour la nature (WWF). Elle est à l’origine de 16 % de la destruction associée au commerce international, derrière la Chine (24 %) mais devant l’Inde (9 %) ou les États-Unis (7 %).
Un tournant historique? Pas vraiment. Simplement un premier pas.
Si de nombreuses organisations environnementales ont salué le projet, elles regrettent cependant sa portée restreinte. En effet, il n’y a pas de protection des autres écosystèmes, les droits des autochtones passent à la trappe, et il ne peut pas y avoir de lutte contre la déforestation sans une traçabilité effective des produits importés et une interdiction stricte des importations de produits qui contribuent à la déforestation en Amazonie…
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