A l’issue du second référendum l’horizon demeure incertain.
Second référendum : c’est dans un environnement « globalement apaisé » que les Calédoniens se sont présentés aux urnes aujourd’hui. La campagne qui a précédé la consultation du 4 octobre 2020 a été d’une correction qui honorent ses participants.
D’ailleurs, les crispations annoncées au sujet des drapeaux dans la presse nationale (Les Echos du 4 août) n’ont été qu’un feu de paille. Fort heureusement, la guerre des drapeaux qui a été vécue sur le Caillou, y compris le jour du vote, fut une guerre picrocholine. Les prétendues « tentatives d’intimidation » qui fleurissent sur les réseaux sociaux sont des « non-événements ». Certes, de nombreux drapeaux ont été arborés au bord des routes. Mais les porte-drapeaux étaient bien souvent des enfants ou des préadolescents. En somme ce fut une mauvaise adaptation du roman de Louis Pergaud, « la Guerre des boutons ».
Cette guéguerre des égos (et des symboles) n’a pas réussi à miner le désir partagé de continuer à vivre ensemble dans la paix. Aucun incident majeur n’est à signaler. C’est l’essentiel ! Le destin commun doit continuer à se construire.
Bilan du référendum : le marathon continue.
Ce vote référendaire est de facto le second round d’un marathon commencé en novembre 2018. Et, plus généralement, c’est la suite logique d’un long processus engagé depuis trois décennies.
Force est de constater que les enjeux de ce moment historique attirent peu l’attention des médias nationaux. L’actuelle crise sanitaire du coronavirus explique pour partie ce manque réel d’intérêt. Au moins autant que la mise en quarantaine de l’archipel, ainsi que la très faible implication du nouveau 1er ministre sur le dossier calédonien.
Pourtant, ce qui s’est joué aujourd’hui dans les isoloirs calédoniens dépasse très largement la Nouvelle-Calédonie. C’est une partie bien spécifique de l’Histoire de France qui s’écrit. Celle que les Calédoniens ont réussi à affronter leurs peurs de façon exemplaire et à : achever un long processus de décolonisation dans la paix.
A cet égard, si l’histoire contemporaine de la Nouvelle-Calédonie vous passionne, vous pouvez consulter l’étude de Bastien VANDENDYCK que vient de publier l’IRIS. Cliquer ICI
(ASIA FOCUS #147 – octobre 2020 – Institut de relations internationales et stratégiques)
Comme le reconnaît ce jeune calédonien, récemment diplômé d’IRIS SUP, aujourd’hui encore la France panse en Nouvelle-Calédonie les plaies du « mal de la colonisation, qui a trop longtemps sali son passé, empoissonné son présent et obstrué son futur. »
Les calédoniens confirment leur attachement à la France.
La question qui a été posée à une partie * des électeurs calédoniens est : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? »
Tout d’abord, le scrutin est marqué – encore une fois – par une participation historiquement élevée, à hauteur de 85,6 % (80 % en 2018).
Ensuite, il est sans grosse surprise. En effet, les votants ont répondu « NON » à hauteur de 53 % à la question posée (56 % en 2018). Mais il faut noter que l’écart de voix se réduit. Il correspond à 10.000 voix, ce qui à l’échelle de la France représenterait un écart 2,5 millions de voix.
Enfin, le verdict des urnes est encore conforme aux précédentes consultations. Une majorité de calédoniens refusent le projet d’accession à la pleine souveraineté. Ils veulent rester dans la France, au sein d’une République laïque et solidaire. Le marathon référendaire devrait donc se poursuivre jusqu’en 2022, comme cela est prévu par l’Accord de Nouméa. Ce qui n’empêche pas, durant ces deux années, de dialoguer et d’imaginer l’avenir.
Enfin, comme en 2018, une importante disparité demeure entre les votes des kanak et celui des autres communautés. Cette même disparité apparait également entre deux territoires : le Grand Nouméa et le reste de l’archipel. Le premier territoire est majoritairement loyaliste. Alors que le second est – à quelques nuances près – majoritairement indépendantiste. Le temps est certainement venu de penser différemment pour sortir de cette impasse. Nous sommes arrivés à la croisée des chemins, à une épreuve de vérité.
Référendum : composition singulière de la LESCR.
(liste électorale spéciale pour la consultation référendaire).
Pour satisfaire aux exigences des indépendantistes, le droit de vote est restreint aux citoyens résidant de longue date et de manière continue en Nouvelle-Calédonie. L’Accord de Nouméa (approuvé à 72 % par référendum, le 8 novembre 1998) exclut notamment les personnes installées après 1994. A ce titre, on parle de corps électoral « gelé ou cristallisé« . Il représente environ 36.000 personnes, soit 16,66 % des 216.000 électeurs calédoniens. On peut donc être né sur l’archipel en 1995 et y avoir vécu depuis de façon continue, pouvoir voter aux municipales, mais ne pas avoir le droit de voter au référendum.
De fait, c’est un électeur calédonien sur six qui est exclus cette année du scrutin d’autodétermination !
Pour mieux apprécier cette ordre de grandeur, ce sont 8 millions de personnes qui auraient été privés de droit de vote au niveau national.
(rappel : 47,7 millions d’électeurs étaient inscrits aux dernières élections municipales de mars 2020)