La novlangue « lokale » n’est plus celle de tonton Marcel.

Les mots blessent tous les jours : tous ces assemblages de mots grossiers sont particulièrement en vogue dans les lycées calédoniens. Un peu comme si la prophétie de George Orwell avec sa novlangue dans le roman 1984 était devenue réalité. Il n’y a pas une discussion « animée » dans les espaces scolaires sans l’emploi d’expressions aussi violentes, méprisables, abjectes. Or l’école ne peut tolérer que les élèves s’insultent « pour le plaisir, pour se défouler, » pour libérer le besoin primitif de violence que la vie leur inspire.

Certes, le propre d’une langue vivante est de refléter son époque. De nouvelles expressions issues de l’argot viennent en permanence fleurir cette immense jardinière qu’est le Français. Mais là où le bât blesse, c’est lorsque les mots deviennent des tics de langage, prononcés à la va-vite, quitte à se voir débarrassés de leur signification première.

Tantôt aphorisme, onomatopées ou interjection, ainsi commencent le plus souvent les interactions entre lycéens. Les termes linguistiques utilisés, sont au niveau « du caniveau, de poubelles éventrées, de déchets éparpillés au vent mauvais ». A ces onomatopées tirées de la langue de Molière, on peut d’ailleurs ajouter des termes, tout aussi dégradants, exprimés en langues vernaculaires.

Souvent vécue comme le signe d’une posture virile, ces expressions métaphoriques font du tort. Elles sont a minima la preuve de la mauvaise transmission à la jeunesse des (prétendues) valeurs océaniennes. Valeurs empreintes de RESPECT et d’HUMILITE.

Force est de constater qu’on n’entend jamais les lycéens hausser le ton pour souhaiter la bienvenue, ou pour dire « bonjour », « s’il vous plait » ou « excusez-moi » !

Les adolescents usent et abusent à l’envie d’images sexistes, particulièrement dégradantes de l’image de la femme. Ce fait social et linguistique se manifeste avec la plus grande clarté à l’encontre des personnels de l’éducation. La gent féminine est souvent exposée aux insultes à caractère sexiste ou sexuel. De fait la réaction de l’institution scolaire est rarement à la hauteur des enjeux. C’est déplorable !


L’insulte a vite fait, comme le décrit Hugo, d’aller : « A travers un dédale de rues, /Droit chez le citoyen dont vous avez parlé. / Il sait le numéro, l’étage ; il a la clé, / Il monte l’escalier, ouvre la porte, passe, entre, arrive / Et railleur, regardant l’homme en face dit : / »Me voilà ! Je sors de la bouche d’un tel. » / Et c’est fait. Vous avez un ennemi mortel ».

Qui sème l’insulte récolte la violence.


Quand la société calédonienne prendra-t-elle enfin conscience des violences sexistes qu’elle véhicule … d’abord par le verbe ?

En effet, comme tout « mammifère », l’adolescent calédonien apprend par mimétisme. Et où voient-ils des attitudes et des postures sexistes, ou entendent-ils des propos dégradants pour les femmes, … sinon dans le monde des adultes ?

Qu’est-ce qui est le plus moralement condamnable ? Ne pas être conscients de ce problème. Où en être conscients et ne rien faire ? … Assurément, les deux.

Cette violence verbale est la prémisse naturelle, l’étape préalable aux violences physiques qui sont régulièrement faites aux filles et aux femmes en Nouvelle-Calédonie. A ce niveau, nous détenons le taux le plus élevé de France.

Violences verbales et physiques faites aux femmes qui sont autant intrafamiliales qu’extrafamiliales.

A ce fait social il faut savoir dire non, trois fois non. Et par conséquent il faut avoir la volonté d’agir dès les bancs de l’école et dans les cours de récréation.


Le vivre-ensemble ensemble dans le respect d’autrui reste encore à construire en Calédonie, … dans la parole et dans les actes.

Pour y arriver chacun évoque le nécessaire besoin de respect et de tolérance vis-à-vis de l’autre. Mais personne n’ose dire quand et surtout par où commencer.

Les calédoniens aspirent dans leur grande majorité à l’accomplissement d’un geste symbolique qui permettrait de clore la « période coloniale calédonienne. » Cette période a commencé en 1853. Elle a été caractérisée par un rapport de domination de l’Empire colonial, puis de l’Etat français sur un archipel austral.

Le SNETAA-FO propose un « geste fort à valeur éducative » qui permette de clore la période pré et post coloniale caractérisée, ici comme ailleurs, par un rapport de domination d’un sexe sur l’autre : la parité dans toutes les instances du Congrès et au Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Après tout … c’est aux responsables politiques de montrer l’exemple !